Qui n'a pas rêvé d'arriver ou de quitter un magnifique mouillage sans faire de bruit et sans polluer ?
On passe en revue ci-dessous les différentes options disponibles aujourd'hui, ainsi que leurs principaux avantages et inconvénients notamment sur un voilier destiné à s'éloigner des routes fréquentées.
Deux types de technologies hybrides diesel-électrique sont disponibles : une installation de systèmes en série où un groupe électrogène charge les batteries pour un ou deux moteurs électriques assurant seuls la propulsion avec des arbres d'hélice indépendants ou bien une installation dite parallèle où une ou deux génératrices sont couplées au moteur diesel principal de propulsion thermique sur le même arbre d'hélice.
Tout d'abord les avantages d'une propulsion électrique sont non seulement de pouvoir préserver l'environnement vierge d'un mouillage isolé grâce à un fonctionnement silencieux et sans rejet d'eau de gaz d'échappement, un vrai bonheur; mais aussi des manoeuvres facilitées grâce à un couple important disponible immédiatement ou encore un passage marche avant/arrière instantané.
Les inconvénients sont une autonomie très limitée malgré un parc conséquent de batteries lithium, une puissance encore faible par rapport à un moteur diesel et un recours obligatoire à l'électronique notamment pour la gestion des batteries lithium relativement fragiles (voir BMS : Battery Management System). Pour des raisons de sécurité sur un voilier, il ne faut utiliser que des batteries LFP (LiFePO4), car risques d'incendie avec les autres types de batteries Lithium et de préférence ne pas dépasser un voltage de 48V en courant continu.
Technologie hybride "parallèle"
La société Hybrid Marine Ltd. a développé une solution complète basée sur le moteur Yanmar 4JH110 avec une transmission hybride composée d'un inverseur PRM-500 à sortie droite convenant à la configuration de moteur abaissé avec arbre de l'Enduro 54, de 2 génératrices de 10 KW chacune (solution "V-Twin") pouvant être utilisées comme motorisation électrique pour de courtes durées d'environ une à deux heures, suivant la vitesse du navire et la capacité du parc batteries, convenant parfaitement à des manœuvres au port ou au mouillage.
Une grande souplesse d'utilisation et une polyvalence particulièrement adaptées à la grande croisière lointaine et à l'exploration :
- Utilisation possible du moteur diesel seul avec sa puissance maxi. et/ou son rendement et consommation optimum pour les navigations par mers difficiles ou dans les glaces ou encore les longues durées pour se déplacer dans des conditions anticycloniques. Pas de perte de puissance due à l'entraînement constant de 1 ou 2 alternateurs. Puissance maxi. disponible lorsque nécessaire.
- Couplage automatique des 2 génératrices par courroie lorsque la charge des batteries le nécessite et que les autres solutions de recharge (panneaux solaires, éolienne, hydro-générateur) sont insuffisantes. Charge performante et très rapide (10 à 15 kW) particulièrement pour des batteries Lithium. Avec l'ajout d'un moyeu d'embrayage entre cette transmission et l'arbre d'hélice, il est possible d'utiliser occasionnellement, au mouillage ou dans un port sans prises électriques, le moteur diesel et les 2 génératrices comme un groupe électrogène sans entraînement de l'arbre d'hélice.
- Utilisation de la motorisation électrique seule pour les manœuvres de mouillage ou de port. Autonomie d'environ une heure minimum, variant suivant la puissance utilisée et la capacité du parc batteries. Avec un parc de 4 batteries MG LFP 230 (ou 280 Ah), portant la capacité utile pour la propulsion électrique à 460/560 Ah en 48V (environ 15 à 20 kW disponibles à pleine charge), pour un compromis poids/budget et une autonomie acceptables. Pour une plus grande autonomie en propulsion électrique, il faudra réduire la vitesse du bateau (par exemple 3 heures à 4N au lieu d'une heure à 6N) ou bien encore augmenter le parc batteries (suffisamment de place dans les fonds sous la pilot-house). Pour marcher plus longuement à l'électricité il faudrait ajouter un puissant groupe électrogène...solution peu convaincante en disposant déjà d'un moteur diesel principal à bord.
- En cas de panne du moteur diesel, même bénigne mais imprévue et arrivant à un moment inopportun lors d'une entrée de port, par exemple suite à un désamorçage du circuit fuel ou des filtres bouchées ou une turbine de pompe à eau cassée, on pourra utiliser immédiatement la propulsion électrique seule sans le moteur diesel, en évitant de devoir réparer dans l'urgence ou encore de sortir le moteur hors-bord de l'annexe et le positionner sur le tableau arrière.
- Sous voiles l'hélice pourra entrainer les 2 génératrices pour recharger les batteries sans faire tourner l'inverseur du moteur diesel, ce qui pose souvent un problème de refroidissement lorsque le moteur ne fonctionne pas. Ceci induit évidemment une trainée supplémentaire avec un rendement assez médiocre vu que les hélices ne sont pas dessinées pour une telle utilisation; mais peut permettre de stocker une quantité d'énergie appréciable avec peu de contrepartie (jusqu'à 400 W), par ex. lors de grandes traversées par vents soutenus alors que le voilier atteint déjà sa vitesse de carène, souvent une limite maximum pour un voilier de grand voyage très chargé.
En résumé les intérêts principaux de cette option sont :
- Propulsion électrique propre et silencieuse pour manoeuvres de port ou de mouillage
- Recharge extrêmement rapide du parc servitudes de batteries Lithium (moins d'une heure pour une charge complète)
- Solution de secours instantanée en cas de panne du moteur diesel à un moment critique par ex. entrée de port

A noter Nanni Diesel propose aussi une solution hybride possible sur le moteur N4.115 avec génératrice intercalée directement entre l'inverseur moteur et l'arbre, donc sans la présence de courroie, mais moins polyvalente que la solution d'Hybrid Marine. De nouvelles solutions seraient en cours de développement chez Nanni.
Technologie hybride "série" : moteurs électriques plus groupe électrogène
La configuration pouvant être adoptée sur l'Enduro 54 comprend 2 skegs protégeant les arbres et les hélices et présente aussi l'avantage de protéger les safrans, contre les ofnis en navigation ou lors d'un échouage sur fonds instables pouvant provoquer un basculement du voilier sur son arrière.

Cette solution composée de 2 génératrices/moteurs électriques par exemple provenant des sociétés Bell Marine ou Oceanvolt et en pleine évolution (voir aussi Torqeedo Deep Blue) semble intéressante pour les manœuvres de port et la croisière sans sortir des routes classiques. La motorisation électrique présente non seulement l'avantage d'un fonctionnement silencieux non polluant, mais surtout un couple important et un passage avant/arrière immédiat appréciable pour manoeuvrer vers un quai ou un ponton d'accès difficile. De plus les 2 moteurs sur chaque bord avec leurs hélices devant les safrans réduisent en principe l'obligation de disposer d'un propulseur d'étrave puissant avec toute configuration bi-safrans. Comme sur un catamaran on pourra les utiliser en marches inversées pour aider le navire à pivoter.
Par contre cette solution n'est pas encore aujourd'hui totalement adaptée à la croisière lointaine et l'exploration. Une autonomie acceptable nécessite un parc de batteries imposant et un groupe électrogène très puissant donc avec une consommation significative (par ex. Onan-Cummins ou Northern Lights pour leur fiabilité) pour un rendement global diesel-électrique (longue chaine : du diesel au courant AC puis DC puis charge des batteries puis fonctionnement des moteurs électriques) et un poids total pas vraiment attrayants. L'utilisation prolongée des moteurs électriques nécessite un refroidissement efficace par fluide et pas seulement par air et en cas de besoin de puissance importante (mer difficile ou glaces) la première solution avec transmission hybride est plus pertinente. En cas de panne électrique générale (ex. gestion par l'électronique pas toujours totalement fiable), pas de solution non plus de rechange immédiate pour la propulsion motorisée du voilier.
Cette solution avec 2 moteurs électriques parallèles en série avec un groupe électrogène va sans doute encore progresser de pair avec les importants développements en cours dans l'industrie automobile, et en particulier les batteries. Donc à suivre et à revoir à moyen terme, car aujourd'hui ce n'est pas encore totalement satisfaisant i.e. rayon d'action de maximum 10NM en électrique dans conditions réelles de mer pour des voiliers de taille équivalente, puis ensuite groupe électrogène puissant (min. 15 kVA) pouvant même dépasser la consommation du moteur diesel inboard si l'on veut maintenir une vitesse du voilier équivalente i.e. puissance disponible aux hélices en plus de la charge de l'imposant parc batteries.
Conclusion :
Si la solution proposée par Hybrid Marine nous semble convaincante grâce à sa polyvalence et une redondance toujours bienvenue pour la propulsion, le recours à l'électronique, en particulier pour la gestion du parc batteries lithium, est certainement un point faible pour un voilier avec un véritable programme d'exploration.
Certains diront qu'il est urgent d'attendre pour bénéficier des développements en cours dans l'industrie automobile.
On peut aussi se demander, vu l'augmentation du budget due au système de transmission hybride et aux batteries lithium, s'il ne serait pas plus judicieux de conserver le moteur Nanni N4.115, plus robuste, de plus forte cylindrée et tournant moins vite que le Yanmar 4JH110 Common Rail, et d'opter pour le gréement carbone avec le plan de voilure perfomances rendant le voilier plus véloce dans les petits airs et ainsi de réduire la nécessité de recourir au moteur par vents faibles.